Je reviens aujourd’hui avec une newsletter un peu différente… à la demande de plusieurs personnes de ma communauté sur Instagram, qui ont souhaité que je parle « des conditions de vie de mes artisans », autrement dit les artisans avec lesquels j’ai choisi de collaborer pour ma collection, ceux dont je souhaite valoriser le travail et pour qui j’ai créé India Sampatti en fait.

Mais vous verrez que lors de mon voyage en septembre 2024 à leur rencontre, j’ai en fait découvert plusieurs réalités. Allez je vous raconte !

Pendant trois semaines, j’ai parcouru le Rajasthan et le Gujarat avec Satnam, mon guide et chauffeur sikh, à la recherche de partenaires pour donner vie à ma toute première collection. Ce voyage a été intéressant à bien des égards, et notamment par la diversité des conditions de travail et de vie des artisans.
J’ai vu des univers très différents — mais toujours animés par un même amour du geste, un même attachement au savoir-faire.

Au Rajasthan, grâce à un contact en France, j’ai rencontré le directeur d’un petit atelier de couture. Une vingtaine de personnes y travaillent : 2 "masters" qui prennent les commandes dessinent les patrons, ceux qui les préparent, ceux qui les découpent, les couturiers derrière les machines (tous des hommes) ainsi que 3 femmes chargées du contrôle qualité.  J’ai passé plusieurs jours à leurs côtés, car notre salle de réunion jouxtait l’atelier de couture que j’étais amenée à traverser et retraverser depuis la salle de réunion vers une grande pièce de stockage quand je voulais choisir le tissu une fois que le « sample » du modèle que j’avais créé était prêt. Cette pièce servait aussi à la découpe sur une grande et longue table.

L’ambiance de travail au sein de l’atelier m’a paru excellente avec des échanges cordiaux, des discussions, des rires. L’espace confortable et climatisé possède une fenêtre qui donne sur de la verdure. Voilà pour les conditions de travail mais il reste que les salaires sont modestes. Mon rêve est de pouvoir avoir mon propre atelier de création avec des artisans mieux payés.

Le directeur nous a aussi emmenés à Sanganer, où j’ai pu visiter un artisan imprimeur qui travaillait à l’étage de sa maison. C’est là que j’ai compris que cette proximité entre la vie et le travail était une réalité très répandue.

Car en fait, beaucoup d’artisans travaillent chez eux. Cela a été encore plus visible une fois arrivés au Gujarat. Nous avons rencontré des tisseurs qui œuvrent en famille —le père, le fils avec plusieurs bâtiments dont un où ils ont chacun leur métier à tisser, des pièces ouvertes sur la nature, bien ventées pour résister à la chaleur. Ou encore des imprimeurs qui, là encore travaillaient chez eux dans des espaces où se trouvaient plusieurs bâtiments en plus de la maison d’habitation pour les différentes étapes de l’imprimerie.

Ce sont ces artisans-là que j’ai choisis pour la collection India Sampatti : ceux qui perpétuent la tradition en la vivant au quotidien, avec humilité et passion.
J’ai acheté du tissu khadi filé et tissé à la main pour en faire des blouses, de magnifiques dupattas imprimées selon la technique Ajrakh, ou encore des étoles en tissage Tangalya — une technique rare, aujourd’hui maîtrisée par à peine 15 familles. Chaque pièce porte leur histoire, leur gestuelle, leur ancrage.

Ces artisans font ce qu’ils aiment, chez eux, entourés de leurs proches. Mais tout cela reste fragile. L’industrialisation, la fast fashion, les tissus synthétiques bon marché viennent bousculer ces équilibres. Les jeunes générations, souvent, ne reprennent pas le flambeau : ils partent à l’usine, faute de débouchés dans l’artisanat.

Et puis, il y a ceux qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu. J’ai rencontré à Bagru un imprimeur qui a fait fortune grâce à une collaboration avec une créatrice japonaise : sa propriété est grande avec plusieurs bâtiments, il a des artisans employés à l’année, il embauche pour les périodes de production et il a son propre musée. À Patan, au Gujarat, j’ai visité une maison d’exception, où l’on pratique encore l’art du double ikat. Leurs saris sont vendus entre 1500 et 7000€ à une riche clientèle indienne ou étrangère. Là encore, la famille a son propre musée (la visite est payante).

J’ai donc découvert qu’il n’y avait pas une seule réalité : il y a mille façons de vivre de ses mains en Inde. Toutes sont précieuses. Certaines sont prospères, d’autres en danger. Et si India Sampatti existe, c’est aussi pour contribuer à faire en sorte que ce savoir-faire incroyable ne soit pas seulement destiné à une élite et fasse vivre les plus modestes pour leur permettre de vivre de leur art et de le perpétuer.

J’espère que cette plongée dans les coulisses vous aura intéressé. Si vous avez des questions, des remarques, ou simplement envie d’échanger, je vous lirai avec grand plaisir.

Merci d’être là, et de faire partie, à votre façon, de cette belle aventure humaine et artisanale !

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