Lieferung an Relaispunkte für Belgien, Italien, Spanien, Luxemburg, die Niederlande, Portugal und Polen

La tragédie du coton Bt et le renouveau du coton dési

Dans les années 90 l’Inde connaît une crise économique et le secteur du coton n’y échappe pas : le coton indien est gravement affecté par des insectes nuisibles, notamment le ver de la capsule (Helicoverpa armigera), qui détruit une grande partie des récoltes. Les agriculteurs utilisent les pesticides en grande quantité, ce qui est coûteux et souvent inefficace.

Pour vaincre la crise, l’aide internationale (principalement le FMI et la Banque mondiale) conditionne son aide à la mise en œuvre de réformes libérales. Les élites et gouvernants indiens de l’époque, formés à Harvard, Oxford ou Cambridge, y sont favorables.

Grâce à cette ouverture du marché et aux financements qui vont Monsanto s’introduit sur le marché indien et propose le coton Bt au début des années 2000. Ce dernier est présenté comme une révolution : ce coton génétiquement modifié incorpore un gène issu d’une bactérie du sol, qui permet à la plante de produire en continu une protéine insecticide ciblant spécifiquement les larves du ver du coton, l’un des principaux ravageurs.

Sur le papier, l’idée semble parfaite : en consommant les feuilles ou les capsules de coton Bt, les larves ingèrent la toxine, ce qui provoque leur mort rapide. Moins de pertes, moins de pesticides, plus de rendement : le rêve.

Mais en pratique plusieurs problèmes sont apparus. D’abord, le coton Bt n’a pas été développé à partir des variétés indiennes (Gossypium arboreum ou herbaceum), mais à partir de Gossypium hirsutum, le coton américain à fibres longues. Cette espèce, bien qu’appréciée pour son fil adapté aux filatures industrielles, est bien plus fragile dans les climats secs de l’Inde et nécessite beaucoup d’eau et d’engrais pour atteindre ses rendements optimaux.

Ensuite, la toxine Bt ne cible qu’un seul type d’insecte. Or, en supprimant ce ravageur principal, d’autres parasites secondaires — pucerons, thrips, mouches blanches — voient leurs populations exploser, car ils ne sont plus en compétition. Les paysans continuent donc à utiliser des pesticides, mais souvent à des doses encore plus fortes, et sur des parasites parfois plus difficiles à éliminer.

Enfin, comme pour tout organisme soumis à une pression sélective, les insectes visés développent une résistance :  en moins de dix ans, dans plusieurs régions, des populations de vers du coton capables de survivre sur le coton Bt sont apparues.

L’endettement des paysans est devenu insupportable, avec dans certains états un taux qui dépassait 80%, et de nombreux agriculteurs se sont suicidés quand les récoltes ne suffisaient pas à rembourser les prêts. Entre 2002 et 2018 plus de 300 000 agriculteurs indiens se sont suicidés, souvent en ingérant les pesticides mêmes qu’ils utilisaient dans leurs champs.

Mais si les effets de l’introduction du coton Bt se font toujours sentir, on assiste aujourd’hui à un renouveau. Dans plusieurs régions, des organisations paysannes et des ONG travaillent à réintroduire les variétés de coton indigènes dites dési — résistantes à la sécheresse, sans besoin d’intrants chimiques — et à reconnecter cette agriculture à la filière artisanale du filage et du tissage à la main. Dans le Kutch, au Gujarat, le Kala cotton revient timidement. À Ponduru, malgré la disparition progressive des tisserands, quelques familles continuent de filer le coton rouge local. Dans le Maharashtra, des collectifs paysans testent à nouveau des variétés comme le Wagad ou le Punasa, adaptées à leur climat.

Ce renouveau ne se fera pas du jour au lendemain, et il restera sans doute coûteux dans un premier temps, réservé à des consommateurs conscients de l’impact écologique et humain de leurs choix. Mais il ouvre une voie : celle d’un textile qui respecte la terre, l’eau et les mains qui le fabriquent. Et puis redonner vie au coton dési c’est aussi faire revivre l’artisanat puisque ce coton à la fibre courte ne peut être filé qu’à la main : le khadi, ce tissu emblématique de la résilience indienne est à nouveau mis à l’honneur par des créateurs pour notre plus grand bonheur !

0 Kommentare

Ein Kommentar hinterlassen

Alle Kommentare auf dem Blog werden vor der Veröffentlichung überprüft